A) The Legend of Zelda : le commencement
Ce jeu au scénario basique et archi-classique (1) pose les bases du jeu d’aventure (2). Il est rempli de tous les symboles qui vont marquer une génération entière (3).
Un scénario convenu
Dans le mystérieux et magique univers d’Hyrule existe un relique sacrée nommée la Triforce. Cet objet est divisé en trois fragments. Le premier est celui de la sagesse, le second celui de la Force, et le troisième est celui du courage. La légende veut qu’une fois réunis, ces fragments offrent à leur détenteur une puissance au-delà de toutes limites.
Ganon, prince des voleurs, apprit un jour la légende et entreprit de réunir les trois fragments. Il dépêcha ses sbires dans tout Hyrule à la recherche de la Triforce. Il finit par trouver le fragment de la Force.
La princesse Zelda, alors avertie du danger par les sages dont le pouvoir s’est soudainement réveillé, entreprend alors de parcourir Hyrule elle aussi, à la recherche des autres fragment, ce qui met Ganon dans une rage folle. Il envoie ses larbins afin de capturer la princesse. Grâce à son don de prescience, la princesse apprend qu’on est à sa poursuite. Ne désirant pas que son fragment de la Sagesse tombe entre les mains de l’ignoble prince, elle le brise en huit morceaux (le fragment, pas le prince !).
Puis elle envoie sa nurse Impa à travers Hyrule dans l'espoir de trouver le jeune garçon au cœur pur dont la légende parle, et la princesse est finalement capturée. Apres plusieur jour de recherche, Impa tombe dans un piege et se retrouve confrontée aux hommes de Ganon; elle s'enfuit et tombe sur Link, un jeune garçon qui l'aide. Persuadée d'avoir trouvé le héros de la Légende, elle lui raconte toute l'histoire et lui confie que Zelda est en danger. Link n'ayant que sont courage pour arme, n'hésite pas à se lancer dans l'aventure...
Et voilà pour l’histoire. Super original, non ? On peut la résumer comme ceci : la gentille princesse a été enlevée par le méchant, mais la légende raconte qu’un héros au cœur pur va sauver le monde.
Les bases du jeu d'aventure
Le jeu est sorti le 21 février 1986 au Japon, et n’a pas été traduit en français (je me remémore mes heures de recherche dans mon dictionnaire français-anglais). Il fut à l’époque un succès retentissant bien mérité.
Le jeu est en 2D. Evidemment, pour la NES, me direz-vous. Téléchargez la ROM du jeu Solstice sur NES : on faisait de la 3D (du moins ça y ressemblait) ! On voit Link de haut et il se dirige sur une grande carte d’écran en écran. Ici, point de scrolling : lorsque Link touche le bord d’un écran, il passe au suivant, avec un effet de transition plutôt réussi.
La barre de vie de Link est déjà symbolisée par des petits cœurs. La monnaie est déjà le rubis (à ce propos : vous avez déjà vu un rubis bleu, vous ? Oui : ça s’appelle un saphir ! Et un rubis vert est un émeraude, mais bon…). Il y a déjà des bombes pour percer les murs craquelés. Il y a déjà des palais avec un boss à la fin de chacun. Tout y est (ou presque) : la légende de Zelda est déjà un mythe : les concepts du jeu sont clairement établis.
Il y a un héros, masculin (toujours, dans ces jeux). Il y a un méchant puissant. Il y a une princesse à sauver. On ramasse de la monnaie (des rubis) pour acheter des objets magiques. Le personnage est plus puissant chaque fois qu’il ressort d’un donjon.
Link se balade sur une grande carte : Hyrule. Par endroits se trouvent différents niveaux (on ne les appelle encore ni donjons ni palais) dans lesquels Link trouvera un objet à chaque fois, des monstres, un morceau de Triforce et un boss. Les boss, dans ce jeu, ne sont guère originaux (un dragon, un dinosaure…). On ne peut d’ailleurs pas dire que l’action soit palpitante : chaque salle du donjon fait un écran et sur chacun des quatre murs peut se trouver une porte ou un passage secret. Toujours au centre du mur. On en reste jamais coincé bien longtemps, et les passages secrets sont très rapidement trouvés.
Un jeu assez simple, donc, mais très efficace puisqu’il repose sur des bases extrêmement solides.
Le jeu qui a forgé la légende
On trouve déjà dans le premier jeu tout (ou presque) ce qui va rendre Zelda célèbre au fil des années de son existence.
Tout d’abord, hormis les personnages récurrents, se trouve le point central de cette légende : la Triforce. C’est le Saint Graal, l’Arche Perdue, la Fontaine de Jouvence, le Scion, l’Artefact Infini… Bref, la quête ultime du héros. La Triforce revient dans chacun des trois premiers épisode comme but final de la quête de Link.
Les concepts qui, à l’époque, sont novateurs apparaissent dès cet épisode. Ainsi, la fameuse bombe placée devant un mur pour le percer et trouver un passage secret est déjà présente. Le boomerang sera un objet récurrent dans le jeu. La bougie sera aussi utilisée à plusieurs reprises dans les suites. Le radeau, l’arc, la baguette magique, la flûte… Tout y est. On y trouve même l’échelle, l’ancêtre du grappin !
Les ennemis que devra affronter Link dans les épisodes suivants sont déjà là eux aussi : les lanceurs de rochers, les lanceurs de boomerangs, les sorciers qui apparaissent et disparaissent en lançant des rayons (super durs ceux-là !), les chevaliers protégés par leur bouclier, les voleurs de bouclier, les ennemis tournants enterrés dans le sable, Zora qui sort de l’eau pour tirer une boule, les fantômes du cimetière… Une belle famille que Link n’a pas fini d’affronter !
Et bien sûr, avant tout, c’est le concept de base du jeu qui est forgé : chaque objet acquis dans un palais permet d’accéder au palais suivant, ce qui nous oblige (presque) à tous les faire dans l’ordre. Un palais où l’on ne peut aller qu’avec le radeau, un autre qui n’apparaît que si on joue de la flûte, encore un où l’on est bloqué sans l’échelle…
Cet épisode est le premier, la Genèse, il a posé les fondements de tous les autres.
B) Adventure of Link : un épisode controversé
Ah ! Jamais je n’aurai assez de lignes pour décrire ce jeu qui a tant fait couler d’encre ! Au-delà d’un scénario qui ressemble plus à un prétexte pour suite bâclée (1), le jeu intègre énormément de concepts novateurs (2) qui ont suscité la colère des puristes (3).
Un scénario vide
Je crois que c’est avec cet épisode que l’on a atteint le grand prix du scénario le plus vide de sens de toute la série des Zelda ! Je vous le cite, issu du Jardin du Dragon : « En fait au début de l'histoire, Impa vient voir Link et lui demande de venir aider Zelda, car celle-ci est à nouveau en danger. Cette fois-ci, elle seule connaît le pouvoir de la Triforce. Un mauvais prince cherche à s'emparer du secret, et il tente de persuader la princesse de lui confier. Celle-ci refuse et subit un châtiment de la part d'un mage du prince. Il la condamne à un sommeil de plusieurs jours, avant de sombrer définitivement dans la mort. Seul remède: la Triforce. Alerté par Impa, Link va se lancer une fois de plus dans l'aventure pour retrouver l'artefact, et une fois de plus sauver la princesse. Comme vous vous en doutez, l'aventure est loin d'être de tous repos, et le magicien ne désire pas seulement la Triforce pour embellir son chez lui . On dit que seul le sang de Link pourrait réussir à relever Ganon d'entre les morts. »
Oh, comme c’est original ! Zelda n’est pas capturée ! Non, elle est endormie. Au lieu d’être prisonnière du grand méchant, elle est prisonnière des songes. C’est déjà moins grave. Mais sur le jeu, ça n’a aucun effet. C’est comme si Zelda n’était pas là, si ce n’est qu’on la voit plongée dans son sommeil de belle au bois dormant à chaque fois que l’on redémarre le jeu. Ganon n’est plus là ! Eh oui, en effet, il est bel et bien mort depuis le premier épisode… La suite est donc ici respectée, contrairement aux autres Zelda, où l’on terrasse à chaque fois Ganon à la fin, mais où ce dernier réapparaît à chaque fois. Le pauvre, il a dû passer souvent à l’hôpital. Je porterais plainte si j’étais lui. L’absence de Ganon est la seule réelle originalité de ce scénario qui semble plus bâclé qu’autre chose. On devine assez facilement l’excuse pour une suite à un jeu qui a commercialement bien marché (bien marché ? Que dis-je… qui a cartonné !).
Un boulversement des concepts de base
Aïe, j’ai touché le nerf qui fait mal, le point sensible. J’entends déjà les voix qui s’élèvent… « Bouh ! Il est nul ce jeu ! C’est même pas un vrai Zelda ! Aux chiottes ! » Il est vraiment si nul que ça, ce jeu ? Voyons en quoi il est hérétique…
Ah, oui… La vue de profil. Le moins qu’on puisse dire, c’est que ça choque pour un Zelda. Pour peu on se croirait dans Super Mario Bros. Mais là où on entrevoit le génie de ce jeu, c’est que le combat est bien plus intéressant qu’un simple « je-vois-le-champignon-et-je-lui-saute-dessus ». Link a une épée, et il s’en sert ! Il y a différentes manières de frapper son adversaire, selon la manière dont on positionne l’épée, et le bouclier peut être en position haute ou en position basse. Le coup d’épée peut être porté au niveau des épaules (coup normal), au niveau des jambes (coup baissé), vers le bas (coup sauté) et vers le haut (uppercut à la Ruy et Ken sauf qu’il n’y a pas de manip’ type coup spécial). Tout ceci nous éloigne du jeu d’aventure, me direz-vous… On se croirait dans un jeu d’arcade ! « Attention Link enchaîne les feintes, crochet du gauche et il frappe, une, deux, trois fois ! Triple Hit Combo !!! » Car Link, grande nouveauté, est capable désormais de sauter ! Il a fait des progrès, le petit, depuis la dernière fois, hein ? Ce type de jeu a rebuté les puristes, mais a donné aux combats du jeu une intensité redoutable… J’ai rarement autant transpiré en jouant à un jeu vidéo que lorsque, après deux heures de recherche dans le dernier palais, je tombe enfin sur le dernier boss et qu’il ne me reste plus qu’une vie (eh oui comme dans un jeu d’arcade on a trois vies au début !)… Le dernier boss est, tout simplement, sa propre ombre… On combat son ombre, avec aussi son épée et son bouclier. On affronte un deuxième joueur quasi-identique mais avec des réflexes surhumains d’un ordinateur. Je vous assure qu’à l’époque ça m’avait fait de l’effet ! J’étais tellement crispé sur la manette que j’en avais encore les marques sur les mains après avoir vaincu le boss ! (il faut dire que les manettes de la NES étaient rectangulaires, ce qui, avec des coins pointus, n’était pas une très bonne idée).
Autre originalité, il y a un système de magies. Pas des objets magiques, non. Des magies. Link les apprend, et après il dépense un certain nombre de points de magie pour lancer le sort. Sauter plus haut, réduire les dommages encaissés, transformer les ennemis en petites boules quasi-inoffensives, se changer en fée volante, lancer des boules de feu… Ce système de magies sera un peu repris dans la suite par le biais des médaillons et baguettes.
Enfin, grande originalité pour un Zelda, puisque c’est le seul de la série à appliquer ce principe : un système de points d’expérience. Link gagne des points d’expérience en battant des monstres, gagne des niveaux, et améliore ainsi son attaque, sa défense ou sa magie. Des packs d’XP sont disséminés dans des lieux secrets de la carte. Lorsque Link se ballade sur la carte (vue de haut en 2D), des ombres symbolisant des monstres apparaissent. Dès que l’un d’entre eux touche Link, celui-ci se retrouve dans une zone d’arcade vue de profil dont il doit sortir, et qui est remplie de monstres. Des fois, Link, en se promenant sur cette carte, tombe sur un endroit en mode « arcade » caché, recelant des secrets (packs d’XP, fiole de magie permanente, grand cœur…).
La bataille la plus difficile de Link : s’imposer aux puristes
Le premier volet de la série des Zelda avait produit tellement d’effet qu’on attendait au tournant la suite. Et comme pour Super Mario Bros, Nintendo a pondu une suite très différente. Souvenez-vous de Super Mario Bros 2 : un concept très différent et une ambiance pour le moins étrange (qu’avaient-ils fumé, chez Nintendo, pour nous pondre ça ?). Au final, le jeu était somme toute bien réussi et sympathique. Chez Zelda, il en va de même.
La suite du premier épisode a déçu les fans. Ils s’attendaient à un jeu similaire, une sorte d’add-on pour le premier opus. Beaucoup de déceptions à la sortie de Zelda 2. Les critiques ont été violentes. Aujourd’hui encore, certains se refusent à considérer que ce jeu fait partie des épisodes de Zelda. Que voulez-vous, les fanatiques religieux (de la religion de Zelda bien sûr) refusent d’ouvrir les yeux sur la vérité.
C’est bel et bien un Zelda 2 que nous avons là. Le scénario s’inscrit dans la suite du premier, c’est bien le même héros, la même princesse… Mais Zelda 2, dans les consciences, restera pour la plupart oublié, inconnu. Au mieux, simplement comme un jeu à part, voire une erreur de Nintendo…
C’est bien dommage, car c’est un jeu long et difficile qui m’a passionné pendant de très nombreuses heures. Et je peux vous dire qu’en aucun cas ce n’est un jeu raté…